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Antibiorésistance en santé animale

PUBLIÉ LE 18 NOVEMBRE 2022

L’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), qui est chargée notamment de la surveillance de l’antibiorésistance en médecine vétérinaire et dans l’alimentation d’origine animale a organisé le 17 novembre 2022 une rencontre scientifique pour présenter le bilan annuel des systèmes de surveillance qu’elle coordonne.

Elle a présenté à cette occasion :

  • Le suivi des ventes d’antibiotiques à usage vétérinaire

    Ce suivi permet d’évaluer l’exposition des animaux aux antibiotiques et de suivre l’évolution des pratiques chez les différentes espèces animales.
  • La surveillance européenne de l’antibiorésistance animale

    L’Anses surveille au niveau national la résistance des bactéries pouvant contaminer l’être humain via l’alimentation d’origine animale. Les résultats de cette surveillance servent à suivre l’évolution de la situation au niveau européen.
  • Le Résapath (Réseau d’épidémiosurveillance de l’antibiorésistance des bactéries pathogènes animales).

    Ce réseau surveille l’évolution de l’antibiorésistance dans l’ensemble des espèces animales domestiques en France.

L’occasion d’interroger Marie-Anne Barthélemy Secrétaire Générale du SIMV, qui représente l’industrie du Médicament et diagnostic vétérinaires au COPIL du Plan Ecoantibio.

SIMV : Quels sont les enseignements de ces rapports ?

MAB : Je commenterai plus particulièrement le rapport de suivi des ventes d’antibiotiques.

Ce rapport montre le travail remarquable de tous les acteurs impliqués dans la chaine de la santé animale en France et de l’ANSES en particulier pour documenter la surveillance. La France a de très bons résultats de baisse d’usage des antibiotiques vétérinaires avec des efforts de la toute la filière même avant le démarrage du 1er plan Ecoantibio. Elle est bien placée au niveau Européen (sous la moyenne européenne) avec une action sur les antibiotiques critiques très remarquable. On ne peut qu’espérer que l’approche « ALEA* » (indicateur d’exposition aux antibiotiques) sera reprise au niveau Européen pour quitter des débats autour des comparaisons de volumes qui ne sont pas pertinentes.

SIMV : Qu’indiquent ces tendances ?

MAB : Pour reprendre les tonnages, la baisse se poursuit : 1 300 t en 2007 à 368 t en 2021. Mais ce qui est plus pertinent, c’est de noter que l’ALEA* - donc l’exposition mesurée - a diminué de 47% depuis le premier plan Ecoantibio (2011).

La baisse des antibiotiques critiques (-93,8% pour C3C4G et -87,7% pour fluoroquinolones) s’est poursuivie.

Les animaux d’élevage sont tous moins exposés aux antibiotiques.

L’observation d’une hausse de l’ALEA* chez les animaux de compagnie et le cheval est notée en 2021, et doit être analysée. Une hypothèse de contexte doit être approfondie :

  • Au-delà de l’acquisition d’animaux de compagnie, les animaux ont fait l’objet d’un suivi médical plus attentif du fait de la disponibilité plus grande de leurs maitres et de leur proximité durant le confinement.
  • ll a aussi été observé une augmentation des pathologies chez le cheval du fait de leur confinement et de leur isolement.

Concernant le rapport du Résapath, - qui mesure l’évolution de l’antibiorésistance des bactéries pathogènes animales - on peut se réjouir d’une baisse de la résistance notamment pour C3C4G, fluoroquinolones et colistine.

SIMV : Que peut-on espérer pour Ecoantibio 3 ?

MAB : Que l’on quitte les objectifs quantitatifs de baisse des volumes d’antibiotiques.

Le green deal doit encore nous imposer un objectif de baisse de -50% uniformément dans tous les États membres ! Nous souhaitons que son application soit modulée au regard des progrès déjà accomplis en France. La menace serait encore plus grande de perdre une partie de l’arsenal thérapeutique.

Il faut avoir maintenant une approche ciblée sur les mauvaises pratiques, la surveillance et de la traçabilité et documenter les chaines de transmission.

Enfin la politique de lutte contre l’émergence de résistance doit chercher l’équilibre entre criticité pour l’homme, santé animale et impact pour l’environnement. Les réseaux scientifiques (ex : PROMISE) qui se mettent en place sont de bons signaux et leurs analyses doivent permettre d’éclairer les décideurs.

SIMV : Avez-vous un exemple concret de votre rôle dans la lutte contre l’antibiorésistance ?

MAB : Le SIMV décernera la semaine prochaine le prix Ecoantibio 2022 à Jingjing Liu, doctorante au sein du laboratoire Anses de Lyon en collaboration avec le laboratoire d’INRAE et l’École vétérinaire de Toulouse. Ce prix récompense les travaux sur des solutions alternatives aux antibiotiques pour lutter contre les maladies infectieuses animales. Jingjing Liu a travaillé sur la combinaison d’un antibiotique existant avec des molécules non antibiotiques pour lutter contre un staphylocoque doré responsable de mammites chroniques chez les vaches laitières. Les staphylocoques sont quasiment insensibles à l’antibiotique utilisé seul. En revanche, l’ajout de subtilisine A ou de gluconate de calcium permet de détruire le biofilm qui protège les bactéries et de contourner ainsi leur résistance à l’antibiotique.