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Innovation autour de l'antibiothérapie vétérinaire : des enjeux aux solutions

PUBLIÉ LE 26 AVRIL 2023


Innovation autour de l'antibiothérapie vétérinaire : des enjeux aux solutions.

 

Le SIMV était présent aux Journées annuelles ANTIBIODEAL les 29 et 30 mars 2023. Le point de vue du SIMV a été présenté par Bertrand Ridremont.

Sur un chiffre d’affaires de 915 millions d’euros en 2022, la gamme des anti-infectieux représente 11% de ce marché, loin derrière les vaccins (25%). Les laboratoires investissent en moyenne 12% de leur chiffre d’affaires dans l’innovation.

Le contexte législatif et juridique autour de l’antibiothérapie et de la lutte contre l’antibiorésistance intègre notamment les décisions suivantes : interdiction des antibiotiques comme facteurs de croissance dans l’UE depuis 2006, encadrement de certaines familles de molécules (antibiotiques d’intérêt critique pour la médecine humaine : fluoroquinolones, céphalosporines de dernières générations) et objectifs quantitatifs de baisse (colistine), interdiction de l’usage des antibiotiques à titre préventif (métaphylaxie autorisée sous conditions) (Réglementation européenne 28/01/2022). Sur un plan technique, on assiste également à un développement des outils de diagnostic et d’aide à la décision (mise au point de dispositifs connectés). Le vétérinaire a un rôle pivot : conseil sanitaire et zootechnique, diagnostic, prescription, enregistrement des traitements, observance.

Les plans Ecoantibio mis en place depuis 2011 en France ont permis de réduire de 47% l’exposition des espèces animales de rente, loisir et compagnie en l’espace de 10 ans, avec une chute spectaculaire observée pour les fluoroquinolones (-88%) et les céphalosporines de 3ème et 4ème générations (-94%).

Les spécificités vétérinaires tiennent à plusieurs points :

  • En matière d’innovation : marché du médicament limité en taille (peu attractif en termes de développement – marché de niches), risque d’investir dans de nouvelles molécules dans un environnement réglementaire complexe et évolutif

  • Au niveau économique et réglementaire : des coûts de développement proportionnellement plus élevés, des données de sécurité pour le consommateur à fournir (temps d’attente/animaux de rente), des études d’écotoxicité et d’impact sur la flore digestive commensale à renseigner.

  • Au niveau de la société civile : relations Homme-Animal et attentes sociétales, comportements alimentaires, intérêt pour les modes d’élevage (bio, bien-être animal), accroissement de la place de l’animal de compagnie (zoonoses).

Dans le domaine des anti-infectieux, l’objectif principal est le maintien d’un arsenal thérapeutique suffisant par rapport aux besoins dans un contexte triple de réduction des dépôts d’AMM de spécialités antibiotiques depuis 2010, d’abandon croissant d’AMM (notamment depuis 2014) pour des motifs financiers (volumes, prix, marges) et de pénurie liée à des ruptures (qualité des principes actifs et produits finaux, capacités de production). En se basant sur la dernière classification des anti-infectieux selon le risque relatif à l’antibiorésistance au niveau européen (EMA), les familles d’antibiotiques en catégorie D (« Prudence »), que l’on peut prescrire en première intention, sont limités (pénicillines et aminopénicillines, tétracyclines et sulfamides). La profession a pris l’initiative de cartographier les « gaps » thérapeutiques (absence d’alternative thérapeutique pour certaines infections), initiative du Réseau Français de Santé Animale (RFSA), reprise par l’Anses-ANMV.

L’innovation en antibiothérapie vétérinaires est très rare depuis les années 1990 : désormais, toute nouvelle molécule ou famille est réservée en priorité à la médecine humaine. Elle concernera en priorité des développements sur des molécules antibiotiques existantes avec un objectif commun de réduction des doses thérapeutiques :

  • Nouvelles associations thérapeutiques : molécules antibiotiques uniquement (travailler sur de nouveaux ratios entre molécules de familles différentes), molécules antibiotiques + non antibiotiques.

  • Diminution de la durée de traitement : évolution des schémas posologiques.

  • Traitement en phase précoce d’infection, grâce notamment à l’utilisation d’objets connectés (capteurs d’activité motrice, détecteurs d’hyperthermie, …).

 

Un enjeu d’innovation en termes de limitation de l’antibiorésistance repose sur la mise au point d’antibiotiques « verts » dont l’impact sur la flore microbienne digestive serait très limité et dont la persistance dans l’environnement à la suite de leur excrétion serait également très réduite. Cela peut se réaliser de trois manières différentes :

  • Modification de la galénique ou des propriétés pharmacocinétiques d’une molécule antibiotique existante.

  •  Association d’un antibiotique existant avec une molécule inhibitrice de l’action de l’antibiotique sur la flore digestive (adsorbants : charbon, smectite, argile, …).

  • Nouvelle molécule antibiotique dénuée de tout impact sur la flore commensale digestive et sur l’environnement.

Il faut également évoluer dans un contexte réglementaire plus favorable : allonger la durée des brevets actuels, protéger l’innovation non brevetable (données AMM nouvelles sur médicament "hors protection AMM"), créer les conditions d’une protection des données additionnelles générées sur un médicament existant afin de permettre de « réinvestir » dans une AMM existante.

Actuellement, face à l’incitation de développer une médecine préventive, l’innovation en médecine vétérinaire concerne en priorité les vaccins et la vaccination. En complément, li faut promouvoir d’autres pratiques vétérinaires et d’élevage qui préservent l’efficacité des traitements antibiotiques (comme la biosécurité).

Enfin, au niveau des activités de recherche-développement, il faut favoriser les partenariats de recherche de type public/privé. Le SIMV est pleinement acteur de l’écosystème de l’innovation vétérinaire : alliance SIMV/INRAE, Rencontres de recherche en santé animale, RFSA, DIM One Health avec la région Île-de-France, France Futur Élevage (Institut Carnot). Il est également à l’origine de quelques prix récompensant des travaux scientifiques de premier plan : Prix des sciences du médicament vétérinaire, Prix Ecoantibio, Prix de l’innovation AFVAC.

*Bertrand Ridremont, consultant pour le SIMV, ancien président du GT Antibiothérapie du SIMV

** SIMV : Le SIMV (Syndicat de l'Industrie du Médicament et diagnostic Vétérinaires) représente les entreprises du médicament, du diagnostic, des dispositifs et technologies pour la santé animale (98% du marché en France).